
François POPLIN

Responsable d’équipe honoraire
Membre du Conseil de laboratoire
Expert d’ivoires d’art
Tout en continuant mon activité dans tel et tel domaine, comme celui des ivoires où je viens d’identifier encore une nouvelle espèce* avec un bas relief antique du Musée du Louvre en rostre d’espadon (Xyphias gladius), j’ai ouvert ces trois dernières années deux chantiers auxquels je pensais depuis longtemps, dans Rabelais en poussant en direction de Jacques Amyot, et avec la Tapisserie de la Dame à la Licorne.
Pour celle-ci je suis en liaison avec les deux conservatrices qui veillent sur elle, et qui sont dépositaires de mes observations. Elles concernent non seulement les animaux, mais aussi les arbres et autres ; il n’avait pas été perçu, par exemple, que la tente du dernier tableau portait les insignes du deuil, avec des larmes d’or héraldiques. L’analyse combinatoire des éléments figurés est particulièrement fructueuse, elle montre entre autres que les six pièces sont bien la totalité de ce qu’il y avait à l’origine.
C’est en 1994 que Mireille Huchon a publié, dans son Rabelais de la Pléiade, mes premières notations, qui portaient d’une part sur l’usage antique des astragales (astragalomancie) auxquels j’avais été introduit par ceux de l’antre Corycien de Delphes, et d’autre part (et c’est plus important), sur les associations animalières qui viennent à l’esprit de Rabelais comme, tout au début de Gargantua, les oisons bridés / lièvres cornus ; canes bâtées / cerfs limoniers, qui sont en alternance (palmipèdes / bêtes à cornes, deux fois et en accord avec Harpies / Satyres qui précède), constituant des rimes sémantiques internes. De tels faits d’organisation, de parallélisme notamment, abondent dans la pastorale Daphnis et Chloé qu’Amyot a traduite du grec en même temps que les Vies parallèles de Plutarque, et il réitérera avec le deuxième gros ouvrage du même auteur, les Œuvres morales, en produisant en même temps non plus un roman comme Daphnis et Chloé, mais les miséricordes de la cathédrale d’Auxerre dont il était devenu évêque. Elles illustrent le Nouveau Testament, il ne s’agit plus d’une traduction de grec en français, mais d’une mise d’Écritures en images, ce qui reste une traduction, et des plus intéressantes à considérer. Certaines de ces images sculptées sont rabelaisiennes. Leur étude est à pousser avec d’autant plus de vigueur que les miséricordes, comme la sculpture de bois en général, sont déconsidérées**. C’est du reste dans le cadre des Journées du Patrimoine du Ministère de la Culture que mon étude a commencé.
* Après le cachalot en 1974, l’hippopotame dans les ivoires grecs en 1980, le rhinocéros indien en 2000 et le dugong en 2005. Le Musée du Louvre et le musée Rodin m’emploient pour l’établissement du catalogue de leurs ivoires.
** C’est ce qui fait des miséricordes d’Auxerre un sujet presque neuf. Une bonne partie restait à identifier.