Soutenance de Mélanie Fabre

Mélanie Fabre soutiendra sa thèse le 3 juillet 2023, au MNHN
La connaissance des pratiques pastorales et des lignées animales traditionnelles est un enjeu du développement durable en Méditerranée. En Corse, l’élevage ovi-caprin traditionnel (XIXe - début du XXe s.) repose sur des troupeaux mixtes de race locale. Les brebis agnellent à la fin de l’hiver, avec des naissances de rattrapage à l’automne, lorsque les chèvres mettent bas. L’industrialisation de l’élevage a induit une transformation du calendrier des naissances ovines doublée d’une sédentarisation du cheptel en plaines littorales. Une alimentation de cultures fourragères se substitua alors à la traditionnelle transhumance entre basses vallées littorales et montagnes. Cette thèse questionne la pérennité sur la longue durée de mutations zootechniques tributaires de facteurs environnementaux, culturels et socio-économiques. Elle focalise sur deux époques charnières : le Néolithique (Araguina-Sennola et Montlaur) et le bas Moyen Âge (Litala et Rostino). En combinant anatomie comparée et biogéochimie isotopique (δ18O, δ13C, 87Sr/86Sr), nous caractérisons les paramètres de ces élevages : orientation économique de la production, saison des naissances et gestion des ressources alimentaires. Sur ces deux périodes, la production est orientée vers le lait et la viande. La production des cheptels néolithiques majoritairement ovins est régie par l’étalement des naissances et des productions animales sur l’année, avec une proportion importante d’agnelages à l’automne, confirmant l’hypothèse de l’ancienneté de cette particularité méditerranéenne. Les troupeaux médiévaux mixtes (brebis et chèvres) préfigurent les systèmes traditionnels, avec des naissances majoritaires d’hiver/printemps. Par ailleurs, les résultats attestent d’un pâturage en milieu ouvert l’été et une occurrence fréquente de la consommation de ressources forestières l’hiver. Les résultats soutiennent l’hypothèse d’une mobilité saisonnière verticale dans les contextes néolithiques comme médiévaux. Quelques moutons néolithiques ont pu estiver dans les marais saumâtres ou les maquis de basse vallée. La diversité des parcours observée entre le Néolithique et le bas Moyen Âge pourrait résulter de différences régionales persistantes plus que d’une évolution dans le temps. En effet, le relief de la Corse morcelle l’île en différentes régions aux caractéristiques climatiques et paysagères diversifiées auxquels doivent s’adapter les éleveurs et leurs troupeaux, ce qui participe à l’éclosion d’un polymorphisme en termes de conduites et de pratiques pastorales.
Documenting traditional pastoral practices and animal lineages is a challenge for sustainable development in the Mediterranean. In Corsica, traditional caprine-herding system (19th - early 20th century) relies on mixed herds of local sheep and goat. The ewes lamb at the end of the winter, with catch-up births in the fall, when the goats give birth. The industrialization of livestock farming has led to a transformation of the calendar of sheep births, coupled with a sedentarisation of the livestock on the coastal plains. The traditional transhumance between low coastal valleys and mountains was replaced by a diet of fodder crops. This PhD thesis explores the temporal depth sustainability of zootechnical changes that are dependent on environmental, cultural and socio-economic factors. It focuses on two pivotal periods: the Neolithic (Araguina-Sennola and Montlaur) and the Late Middle Ages (Litala and Rostino). By combining comparative anatomy and isotopic biogeochemistry (δ18O, δ13C, 87Sr/86Sr), we characterize the parameters of these farms: economic orientation of production, birthing season and food resource management. Over these two periods, production is oriented towards milk and meat. The production of Neolithic flocks, mainly sheep, is governed by the spreading out of births and animal production over the year, with a significant proportion of lambing in the autumn, confirming the hypothesis of the antiquity of this Mediterranean particularity. The mixed medieval herds (ewes and goats) forecast the traditional systems, with a majority of births in winter/spring. Moreover, the results attest to grazing in open areas in summer and frequent consumption of forest resources in winter. The results support the hypothesis of seasonal vertical mobility in both Neolithic and medieval contexts. Some Neolithic sheep were able to summer in the brackish marshes or scrubland of the lower valley. The diversity of routes observed between the Neolithic and the late Middle Ages could be the result of persistent regional differences rather than an evolution over time. Indeed, the mountainous relief of Corsica divides the island into different regions with different climatic and landscape characteristics to which the shepherds and their herds must adapt, contributing to the emergence of a polymorphism in terms of pastoral practices.