La soutenance se déroulera le 30 juin 2022 à 14h00, dans l’Auditorium de la Grande Galerie de l’Évolution, au Muséum national d'Histoire naturelle.

Approche archéozoologique multicritère du processus de domestication des camélidés andins à Telarmachay (Puna de Junín, Pérou)

 

La soutenance sera également accessible en visioconférence

Jury :

M. Cucchi Thomas (HDR, CR CNRS), UMR 7209 AASPE, MNHN, Directeur de Thèse

Mme Dufour Elise (HDR, MC MNHN), UMR 7209 AASPE, MNHN, co-Directrice de Thèse

M. Goepfert Nicolas (HDR, CR CNRS), UMR 8096,Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Encadrant de Thèse

Mme Christine Lefèvre (HDR, Professeure MNHN), UMR 7209 AASPE, MNHN, Présidente

Mme Mondini Mariana, Professeure, CONICET, Universidad de Buenos Aires, rapporteure

M. Sánchez-Villagra Marcello, Professeur, Université de Zurich, rapporteur

Mme Evin Allowen, (HDR, DR CNRS), ISEM, Montpellier, Examinatrice

M. Gil Adolpho, Chargé de Recherche CONICET, IDEVA, Mendoza, Examinateur

 

Résumé

Les lamas (Lama glama Linnaeus, 1758) et les alpagas (Vicugna pacos Linnaeus, 1758) ont été domestiqués à partir de deux espèces sauvages : les guanacos (Lama guanicoe Müller, 1776) et les vigognes (Vicugna vicugna Molina, 1782). Les camélidés domestiques ont joué un rôle économique et symbolique majeur dans le développement des sociétés préhispaniques. Cependant, la documentation du processus de domestication des camélidés sud-américains (CSA) reste un défi. Pour obtenir de nouvelles informations sur ce processus, nous nous sommes concentrés sur la zone des Andes centrales et le site de Telarmachay (Puna de Junín, Pérou). Sur la longue séquence chronologique de ce site, de 7000 à 150 av. J.-C., des preuves de contrôle/management ont été suggérées vers 3000-1800 av. J.-C., proposant un processus de domestication des CSA antérieur de 2000 ans aux autres centres de domestication de la zone andine. Afin d'explorer l’intensification des interactions entre sociétés humaines et camélidés, nous avons produit de nouvelles datations 14C des ossements de CSA et utilisé une approche multicritère associant des profils de mortalité, la morphométrie morphométrique 3D du talus et une analyse des teneurs en isotopes stables du carbone et de l’azote (δ13C et δ15N) du collagène de l’os. Nos résultats nous permettent d’étayer l’hypothèse d’un processus ancien de domestication in situ des CSA à Telarmachay dès le 5ème millénaire, entre 5106/4851 et 4328/4129 av. J.-C. La morphométrie géométrique 3D du talus nous permettant de suivre l’évolution phénotypique des deux lignées de camélidés le long de la séquence chronologique du site, nous avons pu observer, dès cette période, la présence de formes hybrides de taille intermédiaire entre les vigognes et les guanacos. Ces premiers changements de la diversité phénotypique sont associés à des profils de mortalité témoignant d’une phase de changement d’exploitation des camélidés avec la forte représentation des camélidés ayant entre 0 et 3 mois. C’est à la phase suivante, entre 4270/4060 à 3626/3054 av. J.-C, que l’on observe un changement marqué de la variabilité du talus, interprété comme la conséquence d’une contrainte plus forte sur la mobilité des vigognes avec potentiellement une mise en captivité, comme le suggère la présence d’enclos empierrés à proximité du site. Enfin, si la réduction de la mobilité des guanacos semble moins claire, des modifications squelettiques ont quand même été mises en évidence dès le 5ème millénaire. D’après les valeurs du δ13C et δ15N, les camélidés de Telarmachay ont vécu dans la puna autour du site et n’ont pas subi de changement majeur dans leur alimentation et leur environnement durant 4000 ans. En revanche, une légère variation a été mise en évidence dès le 3ème millénaire, entre 3179/2495 et 2226/1854 av. J.-C., qui pourrait concorder avec le contrôle de la mobilité des camélidés. Ainsi, l’accroissement du contrôle culturel des CSA à partir du 5ème millénaire av. J.-C. soutient l’hypothèse de l’ancienneté du processus de domestication des camélidés andins dans la région de Junín. Nous proposons que l’écosystème de la Puna du Junin fût un écosystème particulièrement propice à l’intensification des interactions entre les sociétés de chasseurs-cueilleurs et celles des camélidés à l’Holocène.

Abstract

Llamas (Lama glama Linnaeus, 1758) and alpacas (Vicugna pacos Linnaeus, 1758) were domesticated from two wild species: guanacos (Lama guanicoe Müller, 1776) and vicunas (Vicugna vicugna Molina, 1782). Domestic camelids played a major economic and symbolic role in the development of pre-Hispanic societies. However, documenting the process of domestication of South American camelids (SAC) remains challenging. To get new insights into this elusive process, we focused on the Central Andean area and the archaeological site of Telarmachay (Puna de Junín, Peru). Over the long chronological sequence of this site, from 7000 to 150 BC, evidence of control/management has been proposed around 3000-1800 BC, suggesting a process of SAC domestication 2000 years earlier than the rest of the Andean zone. To explore changes in anthropogenic control of SAC populations we provided a chronological framework with new 14C dating performed on SAC bones and relied on a multi-criteria approach combining mortality profiles, 3D Geometric morphometrics and stable isotopes of bone collagen (δ13C and δ15N). Our results support the hypothesis of an ancient process of in situ SAC domestication at Telarmachay as early as the 5th millennium, between 5106/4851 and 4328/4129 BC. The 3D geometric morphometrics of the talus bone which traced the phenotypic evolution of the two camelid lineages (Vicuna and Guanaco) along the chronological sequence of the site, identified the presence of hybrid forms of intermediate size between vicuñas and guanacos. These first changes in phenotypic diversity are associated with mortality profiles that indicate a change in the exploitation of camelids, with the strong representation of camelids between 0 and 3 months of age. During the next phase, between 4270/4060 and 3626/3054 BC, we observe a marked change in the morphological variation of the talus bone interpreted as the consequence of a stronger constraint on the mobility of the vicuñas through captivity, as suggested by the presence of stony enclosures near the site. Finally, if the captivity of the guanacos seems less clear, skeletal modifications were nevertheless evidenced from the 5th millennium BC. According to δ13C and δ15N values, Telarmachay camelids lived in the Puna around the site and did not undergo major changes in diet and environment during 4000 years. On the other hand, a slight variation was evidenced between 3179/2495 and 2226/1854 BC, which could be consistent with the control of camelid mobility. We propose that the Junín Puna ecosystem was a particularly suitable ecosystem for the intensification of interactions between hunter-gatherer and camelid societies in the Holocene.

Publié le : 20/06/2022 10:04 - Mis à jour le : 29/06/2022 12:19