Les camélidés domestiques* revêtaient une importance considérable dans la vie économique et spirituelle des populations préhispaniques des Andes. Des études récentes ont montré que les êtres humains sacrifiés par les prêtres incas pouvaient recevoir un régime alimentaire spécial. Un traitement spécial était également réservé aux animaux sacrifiés ?

Aucune donnée ethnographique n’est disponible pour répondre à cette question. D’autre part, si le développement des analyses isotopiques a permis depuis quelques années de renouveler nos connaissances sur les pratiques d’élevage, ce type d’analyse pratiqué sur les ossements, dents ou phanères de camélidés retrouvés dans les sites archéologiques renseigne sur l’alimentation consommée au cours des mois ou des années qui précédent la mort des animaux (Dufour et al. 2020). Les restes archéobotaniques peuvent eux renseigner sur les plantes consommées récemment. Cependant ils ne peuvent être reliés spécifiquement à l’alimentation aux animaux quand ils sont extraits du sol.

L’étude publiée dans Latin American Antiquity est une première (Cagnato et al. 2021) car elle repose sur l’analyse de grains d’amidons prélevés directement dans le tractus digestif de camélidés sacrifiés permettant ainsi d’accéder au repas consommé durant les dernières heures ou jours précédant le rituel, tout en s’affranchissant de possibles contaminations du sol. Les animaux proviennent du site de sacrifice de masse de Huanchaquito las llamas situé dans le nord du Pérou et daté de la période Chimú (XIe - XVe siècle de notre ère) qui a fourni plus de 250 corps d’animaux tués et déposés sur place à la suite d’un épisode climatique exceptionnel (Prieto et al. 2019). Les grains d’amidon étaient bien conservés et ont permis de déterminer cinq taxons de plantes, dont le maïs (Zea mais) qui est l’espèce la plus représentée. La présence de maïs n’est pas surprenante en soi car les analyses isotopiques du collagène osseux (Dufour et al. 2020) indiquaient une forte consommation de plantes de type photosynthétique C4 (des plantes adaptées aux milieux tropicaux comme le maïs). Cependant, la présence d’amidon suggère que les grains ont été consommés et non les sous-produits de la plante tels que les tiges ou les feuilles. D’autres plantes cultivées ont été consommées comme le manioc (Manihot esculenta), les haricots (Phasoleus sp.) et même des piments (Capsicum sp.). Les dommages subis par certains grains indiquent que des aliments cuits pouvaient être donnés aux animaux. Les camélidés bénéficiaient donc d’un dernier repas composé de produits alimentaires inhabituels. Cette étude révèle l’attention particulière consacré au dernier repas fourni aux animaux, son importance dans le rituel et donc dans la préparation de l’acte, qui a commencé bien avant le sacrifice final.

*Les camélidés domestiques sont les lamas (Lama glama) et les alpagas (Vicugna pacos).

Cagnato, C., Goepfert, N., Elliott, M., Prieto, G., Verano, J., & Dufour, E. (2021). Eat and Die: The Last Meal of Sacrificed Chimú Camelids at Huanchaquito-Las Llamas, Peru, as Revealed by Starch Grain Analysis. Latin American Antiquity, 1-17.

Dufour, E., Goepfert, N., Le Neün, M., Prieto, G., & Verano, J. W. (2020). Life history and origin of the camelids provisioning a mass killing sacrifice during the Chimú Period: Insight from stable isotopes. Environmental Archaeology, 25(3), 310-324.

Prieto, G., et al. (2019). A mass sacrifice of children and camelids at the Huanchaquito-Las Llamas site, Moche Valley, Peru. PloS one, 14(3), e0211691.

Publié le : 26/05/2021 11:28 - Mis à jour le : 26/05/2021 12:02