En archéologie, la caractérisation des processus de domestication, comme la mise en captivité d’animaux sauvages, est difficile. Pour la première fois, des scientifiques ont déterminé expérimentalement qu’une vie passée en captivité occasionnait des modifications distinctives de la morphologie des os du crâne et de la mandibule. Cette découverte apporte de nouvelles perspectives d’identification des premières domestications animales en archéologie.

La mise en évidence des processus de domestication, comme la mise en captivité d’animaux sauvages par l’homme, constitue un défi pour les archéozoologues. En utilisant le sanglier comme modèle expérimental, une équipe pluridisciplinaire dirigée par T. Cucchi (AASPE) et composée de scientifiques du CNRS et du Muséum national d’Histoire naturelle1 a démontré qu’une vie passée en captivité occasionnait des modifications particulières de la morphologie des os du crâne et de la mandibule.

Ces modifications liées à des changements d’activité au cours de la vie des animaux peuvent s’observer dans le squelette car les os se remodèlent en fonction du type de mouvements effectués, de la répétition de ces mouvements et des sollicitations musculaires. Les scientifiques ont ainsi observé que la forme du crâne et de la mandibule était principalement modifiée au niveau des insertions des muscles permettant la mastication. Ces changements sont visibles notamment sur l’os zygomatique, élément du crâne généralement bien conservé en contexte archéologique. Cette preuve de concept rend désormais possible la documentation du contrôle par l’homme de l’activité alimentaire d’un animal sauvage à partir des vestiges animaux retrouvés en contexte archéologique.

Contrairement aux résultats attendus, ces changements sont liés à une augmentation de la force musculaire chez les sangliers captifs par rapport aux sangliers en milieu naturel. La captivité pourrait ainsi induire de nouveaux comportements de recherche et de prise de nourriture, augmentant la force musculaire associée à la mastication et modifiant la morphologie du crâne et de la mandibule. Ces résultats offrent un nouvel outil aux archéologues permettant d’identifier les premières manifestations de la domestication. Ils soulignent également la rapidité des changements morphologiques provoqués par l’extraction d’un animal de son milieu par l’homme et pourraient être profitables aux projets de réintroduction dans la nature d’animaux élevés en captivité. Ces travaux sont publiés dans la revue Evolutionary Biology.

Voir aussi: https://inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/mesurer-leffet-de-la-captivite-et-de-la-domestication-sur-la-morphologie-osseuse-des

Bibliographie

How changes in functional demands associated with captivity affect the skull shape of a wild boar (Sus scrofa), Dimitri Neaux, Barbara Blanc, Katia Ortiz, Yann Locatelli, Flavie Laurens, Isabelle Baly, Cécile Callou, François Lecompte, Raphaël Cornette, Gabriele Sansalone, Ashleigh Haruda, Renate Schafberg, Jean-Denis Vigne, Vincent Debat, Anthony Herrel, Thomas Cucchi. Evolutionary Biology.

  1. Principaux laboratoires impliqués : Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements (CNRS/MNHN), Réserve zoologique de la Haute Touche (MNHN), Mécanismes adaptatifs et évolution (CNRS/MNHN), Institut de systématique, évolution, biodiversité (CNRS/MNHN/Sorbonne Université/EPHE).

Contact : Dimitri Neaux (dimitri.neaux@mnhn.fr), Thomas Cucchi (cucchi@mmnhn.fr)

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Modifications de la forme du crâne et de la mandibule chez des sangliers ayant grandi en captivité par rapport à des sangliers évoluant en milieu naturel.

Crédits
Neaux et al 2020
Publié le : 13/11/2020 10:49 - Mis à jour le : 19/11/2020 09:10