La péninsule arabique est située au carrefour de plusieurs régions géographiques : l'Afrique orientale, le sous-continent indien, le Proche-Orient et la Méditerranée. Grâce à cette position stratégique, l'Arabie, par ses habitants, ses navigateurs et ses marchands, a contribué à la diffusion des espèces animales et végétales depuis la préhistoire. Cependant, les liens étendus avec les sphères commerciales indiennes et africaines rendent complexe la reconstitution des trajectoires de diffusion des plantes en Arabie dans l'Antiquité. Le coton (Gossypium sp.), une plante d'origine tropicale et subtropicale, apparaît sur plusieurs sites de la péninsule arabique au tournant du 1er millénaire avant l'Ère Commune (EC) et sa diffusion dans cet environnement aride et non indigène est un marqueur des dynamiques d’échange à ce moment crucial de l'histoire de l'humanité. Deux questions clés restent en suspens : 1) la provenance, c'est-à-dire l'origine locale ou importée du coton 2) le moment précis de l'arrivée et de sa propagation.
Le site antique de Mleiha, situé dans la péninsule d'Oman (aujourd'hui Émirats arabes unis), est un cas rare et significatif où de riches vestiges archéobotaniques (graines et tissus en coton) datant de la fin de la période préislamique (IIe-IIIe siècle EC) ont été très bien conservés dans un bâtiment fortifié grâce à un incendie. Pour mieux comprendre le commerce et/ou la production initiale du coton dans cette région, les isotopes de strontium des restes de coton sont utilisés comme un puissant traceur. Les résultats indiquent que ces restes ne provenaient pas de la péninsule d'Oman, mais plus probablement de régions plus éloignées, la côte nord-ouest de l'Inde étant une provenance isotopiquement compatible. Cette hypothèse est étayée par des preuves archéologiques et textuelles de l'existence de centres de production de coton dans certaines régions indo-pakistanaises durant l’Antiquité. Ces faisceaux d’indice indépendants montrent que le commerce maritime à longue distance entre la péninsule d'Oman et l'Inde occidentale était bien établi à cette époque. La présence de ces textiles non locaux et des graines trouvées sur place suggère également que la culture du coton dans les oasis voisines n'était pas encore une pratique courante, ou du moins qu'elle en était à ses débuts.