Cette soutenance se tiendra le mercredi 7 juillet 2021 à 14h30 (heure GMT+1) devant un jury composé de :
Allison BAIN, Professeure, Université Laval, Québec Canada (Rapportrice)
Robert CHENORKIAN, Professeur, Université Aix-Marseille, France (Rapporteur)
Pedro CORDEIRO ESTRELA, Professeur, Universidade Federal da Paraíba, Brésil (Examinateur)
Anthony HERREL, Directeur de recherche CNRS, Muséum national d’Histoire naturelle, France (Examinateur)
Sophia PERDIKARIS, Professeure, University of Nebraska, Lincoln, USA (Examinatrice)
Laurent MARIVAUX, Chargé de recherche CNRS, Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier, France (Examinateur invité)
Sandrine GROUARD, Maître de conférence, Muséum national d’Histoire naturelle, France (Directrice de thèse)
Allowen EVIN, Chargée de recherche CNRS, Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier, France (Co-directrice de thèse)
Violaine NICOLAS, Maître de conférence, Muséum national d’Histoire naturelle, France (Co-directrice de thèse)
Résumé :
La colonisation des archipels océaniques par les vertébrés non-volants est limitée par l’absence de ponts terrestres reliant ces îles au continent. Pour autant, dans l’archipel des Petites Antilles, sur les sites archéologiques datés de l’Âge Céramique (500 BCE-1500 CE), des ossements de rongeurs ont été identifiés. Deux de ces rongeurs, les rats des rizières (tribu des Oryzomyini) et les agoutis (Dasyprocta), dominent ces assemblages et présentent les marques d’une consommation humaine. Si, aujourd’hui, les agoutis sont encore présents bien que rares dans les Petites Antilles, les Oryzomyini ont, quant à eux, complètement disparu depuis la fin du 19ème siècle. Identifier la diversité de ces groupes et suivre leur évolution au cours du temps, durant les périodes précolombiennes, sont donc des enjeux bioarchéologiques nécessaires à une meilleure compréhension des modes de vie des sociétés humaines passées de l’archipel. En effet, les rongeurs sont de très bons proxi pour étudier les groupes humains : déplacements et mobilité des populations, synanthopie ou apprivoisement, pratiques de chasse et de cuisine etc. En outre, les îles sont des cas particuliers intéressants pour étudier l’évolution de la biodiversité au fil du temps. Ces zones géographiques, plus ou moins fermées, présentent des écosystèmes fragiles qui répondent rapidement et fortement aux perturbations environnementales causées par les populations humaines. Au total, 30885 ossements de rongeurs provenant de 10 îles de l’archipel antillais, dont 1668 restes ont été mesurés, ont été identifiés initialement par l’étude archéozoologique des assemblages fauniques de 65 sites archéologiques. En outre, les restes crâniens (dents et/ou mandibules) de 1588 rats des rizières et 205 agoutis, provenant de 48 sites archéologiques de l’Âge Céramique et répartis sur 14 îles, ont été répertoriés. Complétée par 97 spécimens des collections patrimoniales (MNHN, FLMNH et AASPE), l’étude des différents éléments anatomiques de ces rongeurs, à l’aide d’une combinaison d’approches méthodologiques (archéozoologie, morphométrie traditionnelle et morphométrie géométrique), a permis d’apporter des éléments nouveaux sur la compréhension des dynamiques archéobiogéographiques de ces rongeurs et de leurs relations avec les sociétés précolombiennes céramiques. Les données obtenues font état de l’importance, tout au long de la chronologie, des rats des rizières et des agoutis dans l’alimentation de ces groupes humains. Ces rongeurs faisaient l’objet de pratiques culinaires différentes, symptomatiques de leurs places respectives dans les sphères quotidienne et symbolique. Par ailleurs, la mise en évidence de différents groupes morphologiques, entre les îles (Oryzomyini) ou entre les populations continentales et insulaires (Dasyprocta), favoriserait l’hypothèse d’une dispersion naturelle et non d’un déplacement par les sociétés humaines. À ce titre, les modèles de diversité observés, semblent être associés à des facteurs naturels (isolement géographique en lien avec l’histoire géologique et les variations eustatiques depuis le Miocène), prenant en compte les capacités d’adaptation écologique et biologique de ces taxons, et marquant l’impact d’un milieu insulaire. Ces résultats mettent en évidence l’intérêt de continuer la recherche de matériel (archéologie et actuel) et la réalisation d’études transdisciplinaires, afin de reconstituer les histoires culturelles et biologiques passées des rongeurs dans les Petites Antilles.