Eco-anatomie quantitative appliquée sur des charbons de bois archéologiques d’arganier provenant du site médiéval d’Îgîlîz (Anti-Atlas, Maroc) pour éclairer le statut écologique des arganiers médiévaux exploités

L’article publie les résultats d’un post-doctorat engagé dans le Projet interdisciplinaire PRES Sorbonne-Universités Convergence de 2014, co-dirigé par Jean-Pierre Van Staëvel (UMR Orient et Méditerranée) et Marie-Pierre Ruas (UMR AASPE).
Le site archéologique d’Îgîlîz investi dans le cadre d’une coopération internationale -MAEE, Casa de Velazquez, Paris Sorbonne, Muséum national d’Histoire naturelle, Ministère de la Culture du Royaume du Maroc- est campé à 1350m d’altitude dans une zone où l’arganeraie a atteint un stade dégradé steppique monospécifique. L’arganier est à la base de l’économie vivrière et du système agro-pastoral des habitants des villages environnant le site médiéval.
L’originalité de la mission archéologique à Îgîlîz tient dans sa dimension rurale, montagnarde et tribale, qui en fait un excellent terrain d’étude de l’évolution de larges pans de la société maghrébine médiévale et prémoderne. https://www.orient-mediterranee.com/spip.php?article1936 .
L’utilisation et l’exploitation passées de l’arganier étaient documentées uniquement par quelques sources écrites médiévales. L’approche archéobotanique (carpologique et anthracologique) intégrée dès les premières fouilles du jbel d’Îgîlîz depuis 2009 a permis d’initier les toutes premières recherches sur l’histoire agraire et les espaces et ressources végétales exploités depuis le Moyen Âge par les populations du sud du Maroc. La récurrence des vestiges carbonisés d’arganier sous forme de fruits et de bois dans les différents contextes de l’habitat almohade (XIe-XIIIe s.) révèle le rôle majeur de cet arbre comme ressource ligneuse pour le bois d’œuvre, le combustible, le fourrage et l’huile (d’argan) (Ruas et al. 2011 Vegetation History Archaeobotany, https://www.jstor.org/stable/23885401).
Dans le paysage actuel semi-aride, la forme de croissance des arganiers varie selon les conditions locales. Lorsqu’ils sont gérés et protégés, pour l’ombrage ou la production de fruits, les arbres peuvent devenir très grands avec des couronnes bien développées. En revanche, lorsqu’ils sont fortement broutés ou taillés pour le fourrage et le combustible, ils sont réduits à de petits arbres et arbustes rabougris s’étalant sur le sol rocheux. Afin de contribuer à la connaissance de l’arganeraie médiévale et des stratégies de son exploitation par les habitants almohades, le projet HARGANA* a initié une application de l’éco-anatomie quantitative sur le bois d’arganier.
Les caractéristiques éco-anatomiques quantitatives des charbons de bois archéologiques d’arganier confrontées à deux modèles statistiques (à partir de référentiels modernes prélevés dans l’environnement montagnard des villages proches du site archéologique), permettent d’évaluer à la fois le diamètre des branches dont ils sont issus et les conditions agro-écologiques de croissance et de développement de l’arbre. Cette étude préliminaire et pionnière apparaît pertinente et prometteuse pour la compréhension de l’éco-histoire de l’arganier, de son utilisation et de son exploitation dans le passé.
Référence de l’article
Ros Jérôme, Terral Jean‑Frédéric, Ruas Marie‑Pierre, Ivorra Sarah, Limier Bertrand, Ater Mohammed, Paradis Laure, Ettahiri Ahmed S., Fili Abdallah, Van Staëvel Jean‑Pierre 2021 “Understanding anatomical plasticity of Argan wood features at local geographical scale in ecological and archaeobotanical perspectives”, Scientific Reports | (2021) 11:10830 | https://doi.org/10.1038/s41598-021-90286-4
*HARGANA - Histoire et Archéologie des Ressources biologiques et stratégie de Gestion vivrière de l’ArgaNeraie médiévale en montagne Anti-atlasique (Maroc)