Des moutons mangeurs d’algues

L’arrivée de sociétés d’agriculteurs dans l’archipel des Orcades vers 3500 cal BC signe une des étapes ultimes de l’expansion du Néolithique à travers le continent européen. Cette expansion s’est faite au gré de reconfigurations socio-économiques, culturelles et biologiques, notamment des changements dans les pratiques d’élevage et dans la physiologie des animaux. Les moutons mangeurs d’algues des Orcades sont emblématiques de cette remarquable capacité d’adaptation : les éleveurs néolithiques se sont tournés vers la mer pour nourrir leurs moutons en hiver, peut-être pour pallier un défaut de fourrage dans un paysage insulaire alors quasiment dénué d’arbres. Cette découverte renvoie à celle, publiée il y a quelques années déjà, des moutons mangeurs d’algues de Holm of Papa Westray dans le même archipel. Sur ce petit îlot on avait fait favorisé l’explication de l’isolement extrême d’un troupeau laissé en libre pâture. La découverte de moutons mangeurs d’algues à Skara Brae sur l’île principale des Orcades confirme (1) que la pratique n’était pas anecdotique au Néolithique mais renvoie au contraire à un élément clé du système d’élevage ; (2) que l’introduction des algues dans l’alimentation des moutons a été progressive : elle n’est pas décelée durant la phase la plus ancienne de l’occupation, elle est démontrée dès la deuxième phase d’occupation ; elle devient largement dominante durant la dernière phase, contemporaine de l’occupation à Holm of Papa Westray ; (3) que les bovins de Skara Brae ont été maintenus sur des pâtures terrestres toute l’année, peut-être à cause d’un statut différent expliquant un accès prioritaire à l’herbe raréfiée en hiver.

Référence: Balasse M., Tresset A., Obein G., Fiorillo D., Gandois H. 2019 Seaweed-eating sheep and the adaptationof husbandry in Neolithic Orkney: newinsights from Skara Brae. Antiquity 93 (370):919-932.